Quartier d’affaires de la Défense : si les tours m’étaient contées...

Si tout le monde connaît bien le quartier d’affaires de la Défense, on connaît moins l’histoire de ses tours mythiques. Démesurées, prestigieuses, révolutionnaires pour leur époque : toutes ont contribué à leur manière au rayonnement du quartier d’affaires à l’échelle européenne. Découvrez les secrets des tours de la Défense.

Tours de la Défense : la première génération

Inutile de présenter le quartier de la Défense, plus grand quartier d’affaires d’Europe dominé par ses tours colossales et occupé par les entreprises les plus prestigieuses. Prévu à l’origine pour accueillir 800 000m2 de bureaux, le quartier suivait un plan d’aménagement très strict, avec des bâtiments identiques : construits sur une base de 24x42 m pour une hauteur de 100 m.

La doyenne : la Tour Esso

Pour donner vie au prestigieux quartier d’affaires qu’il envisage, l’État crée en 1958 l’Epad (Établissement public d’aménagement de la région de la Défense). 5 ans plus tard, en 1963, l’inauguration de la Tour Esso constitue la « première pierre » du quartier d’affaires de la Défense, avec la tour Nobel. Confiée aux architectes Gréber, Lathorp et Douglas, la tour de 30 000 m2 répartis sur 12 étages réunit les 1 550 collaborateurs d’Esso. Seul problème : l’entreprise ayant fait l’acquisition du terrain avant l’élaboration du plan d’urbanisme, la construction ne tient pas compte de la dalle de la Défense, destinée à permettre la desserte des bâtiments. Concrètement, l’entrée de l’immeuble sera construite au niveau du sol naturel, c’est-à-dire trois étages sous cette fameuse dalle. Un « couac » qui n’enlève rien au prestige de cette première tour de la Défense, ultramoderne et équipée d’un self-service, d’une salle climatisée dotée de calculateurs IBM et d’une salle de cinéma, un luxe pour l’époque.

La recherche d’un nouveau modèle

La tour Aquitaine (devenue la Tour Blanche depuis 2013) sera le deuxième gratte-ciel à s’élever dans le quartier d’affaires. Conçue par les frères Arsène-Henry et Bernard Schoeller en 1967 pour le groupe Aquitaine, elle s’adapte aux critères dictés par l’Epad, comme toutes les tours de la première génération. Les tours du Crédit Lyonnais (aujourd’hui Opus 12), Aurore CB et Europe CB 14 sont construites la même année, sur le même modèle. Mais leur forme rectangulaire manque vite d’originalité et ne répond plus à l’évolution technologique, sociologique et économique de la société et des entreprises. Une nouvelle génération de tours s’impose, plus modernes et plus originales que leurs aînées.

Le quartier d’affaire passe la seconde

Au début des années 70, les entreprises rêvent plus grand et plus haut. Le plan de masse décidé par l’EPAD est révisé pour libérer les constructions de leurs contraintes dimensionnelles.

GAN, la scandaleuse

GAN (devenu Suez Environnement en 2009) a la folie des grandeurs grâce au cabinet Abramovitz, Harrison et associés qui conçoit un écrin en forme de croix de 70 500 m2 pour une hauteur de 180 m, soit 44 étages, entièrement habillés de panneaux de verres.  Placée à l’entrée du quartier d’affaires depuis Paris, elle fit l’objet d’une campagne de protestation, jugée trop haute et trop voyante par la presse et les Parisiens. Une campagne sans effet puisque la tour de la Défense culminera à la hauteur initialement prévue.

Fiat, la futuriste

La tour Fiat, rebaptisée tour Areva en 2001, voit le jour en 1974 et se compose de 100 000m2 de bureaux. Imaginée par les architectes Roger Saublot et François Julien, elle détonne dans le ciel parisien par sa forme de parallélépipède, sa hauteur de 184 m et ses parois de verre noir. Inspirée selon certains par les monolithes du film « 2001 l’odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, son aspect futuriste fascinera plus d’un passant curieux lors de sa construction.

La troisième génération : priorité au confort

La crise économique a quelque peu douché les ambitions démesurées des entreprises et des promoteurs. En 1978, les budgets sont en berne, les tours de la Défense ne trouvent pas preneurs. Les architectes s’orientent alors vers des bâtiments plus petits mais plus confortables et plus lumineux. Le promoteur Christian Pellerin tirera profit du contexte d’après-crise pour construire, en 10 ans, un tiers des nouveaux immeubles du quartier d’affaires. Le but est d’allier confort et économie pour les entreprises ; priorité donc à l’éclairage naturel et à une meilleure gestion de l’énergie comme dans les tours Voltaire et Pascal.

Le projet « Tête Défense » vient apporter une touche d’ambition et d’originalité au quartier d’affaires qui cherche un immeuble fort et symbolique pour fermer son axe. Ce carrefour international de la communication devra aussi accueillir les ministères de l’urbanisme, du logement et de l’environnement, ainsi que des services et des commerces. Sur 424 projets anonymes venus du monde entier, celui de Johann Otto von Spreckelsen, un architecte danois, sera retenu pour sa pureté et sa force : ce sera la Grande Arche. Construite comme un « arc de Triomphe moderne » célébrant l’humanité, le vide intérieur offre une vue sur la cathédrale Notre-Dame de Paris. Recouvert de marbre blanc de Carrare, de plaques de verre noir et de granit gris, l’Arche de la Défense apporte une dimension prestigieuse au quartier parisien et lui offre une nouvelle dynamique.

> À lire aussi : La Grande Arche de la Défense : un symbole du quartier d’affaires de Paris qui s’essouffle

La « nouvelle génération », plus pratique, plus moderne

Les temps changent, et les envies des entreprises aussi : l’heure est aux locaux lumineux et spacieux, vitrés, tournés vers l’extérieur et respectueux de l’environnement. Le quartier Valmy sort de terre au sein de la Défense, tandis que la Société Générale fait construire les tours jumelles Chassagne et Alicante, sur 126 000 m2 au total. Dans le même temps, la doyenne Esso est déconstruite en 1993, jugée inadaptée aux besoins des entreprises et vidée de ses occupants, 30 ans après sa construction.

À l’aube de l’an 2000, la miniaturisation de l’informatique rend inutiles des pièces entières autrefois dédiées à accueillir d’énormes serveurs. À cheval sur les deux millénaires, deux tours de bureaux emblématiques du quartier d’affaires de la Défense font leur apparition. Réalisée par Jean-Paul Viguier sur l’espace vacant laissé par la tour Esso, « Coeur Défense » devient la plus grande réalisation de surfaces de bureaux en Europe. Ces deux tours de 161 m de haut accolées à trois immeubles et reliées par un atrium s’étendent sur une superficie de 350 000m2, du jamais vu.

Après 40 ans de construction et d’aménagement, la place vient à manquer à la Défense. Les promoteurs et les investisseurs prennent d’assaut des emplacements étroits, souvent en bordure du circulaire, comme l’illustrent les tours CBX et Exaltis. Pour maintenir l’attractivité du quartier, un plan de renouveau est mis en place pour la période 2007 à 2015 et la tour Phare et la tour Signal font l’objet d’un concours international. La construction de la première sera attribuée à Thom Mayne ; haute de 70 étages, la tour de 297 m accueille 147 000 m2 de bureaux ainsi qu’un restaurant panoramique. La construction de la Tour Signal sera quant à elle abandonnée, sur fond de désaccord de la maire de Puteaux et de crise financière.

En 2011, la rénovation de la Tour Axa, devenue « Tour First », prend fin. Construite en 1974, elle connaîtra une profonde restructuration aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses murs. Passant de 159 à 231 m de haut, elle devient la plus haute tour de bureaux de France, détrônant ainsi la tour Montparnasse.

La restructuration et la modernisation du quartier de la Défense se poursuit, et les projets de construction se multiplient pour les années à venir. Reste à savoir si chaque bâtiment trouvera preneur.

> À lire aussi : Quartier de la Défense : les projets à l’horizon 2017-2018


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